Superstitions : ces histoires qu’on prenait pour vraies
Dès notre enfance nos parents nous racontaient des histoires auxquelles on croyait avec toute la ferveur qui pouvait exister. Nous étions innocents, naïfs et ignorants, mais on craignait aussi ce qui pouvait nous arriver si on ne respectait pas à la lettre la conduite à tenir. Nombreuses au Bénin, les superstitions diffèrent et varient d’une région à l’autre. J’ai pu en recenser quelques-unes.
- On ne se douche pas la nuit
Enfant, je me rappelle encore qu’on me disait qu’il était interdit de se doucher la nuit. Le risque, lorsque tu prends ta douche la nuit : un serpent viendra s’enrouler autour de toi. Ce serpent lèchera toute la mousse qui se trouvera sur ton corps, mais ne te fera aucun mal. La question était « qui aimerait se retrouver dans une telle situation ? »
- On ne fait pas la lessive la nuit
Cette mise en garde, je dirais que c’est la chanson qu’on ne cesse de me chanter depuis toujours. Je ne suis pas un habitué de la lessive nocturne, mais chaque fois qu’il m’arrive de laver du linge, je dois faire aire face aux sermons de ma mère qui ne se lasse jamais de me répéter « on ne fait pas la lessive la nuit. Ça tue le papa ». Sauf que depuis mon secondaire mon cher père bien aimé est toujours à mes côtés et aussi solide qu’un roc.
- On ne balaie pas la nuit
Concernant cette superstition, je dois avouer que je n’ai jamais pu en avoir la vraie raison. Souvent, ma mère me disait qu’elle ignorait elle aussi les origines de ces superstitions et qu’elle ne fait que répéter ce qu’on lui avait dit. Selon certains, le fait de balayer la nuit mettrait en colère les défunts parents.
- La mante religieuse ne se pose pas sur le ventre d’une femme enceinte
Vous connaissez sûrement la mante religieuse, cet insecte très chétif qui a l’air d’un boxeur.J’entends souvent les femmes enceintes dire qu’il faut le craindre en pleine grossesse, car s’il se posait sur la grossesse, l’enfant serait chétif comme lui. Si cela se produit, pour éviter les conséquences, la femme enceinte doit tuer la mante religieuse, l’enrouler dans un tissu qu’elle noue à sa hanche jusqu’à l’accouchement.
- On ne mange pas la craie
C’est la première superstition à laquelle j’ai eu droit. A l’école primaire, au CI, quand vous venez sans votre craie et bien vous recevez une de ces dégelées que vous n’oublierez pas. Et pour éviter le massacre, il fallait demander à son camarade de partager la sienne et donc, il fallait user des dents. Au cours du partage, il arrivait que la craie se retrouve écrasée entre les dents. Ou encore, les petits frères s’amusaient à manger la craie et les grands frères leur disaient que ça construirait une maison dans leur ventre.
- On n’avale pas les pépins d’orange ou d’autres fruits
Petits, on avait du mal à sucer les oranges ou les fruits similaires. Donc par accident, il nous arrivait d’avaler les pépins. Ça bloquait un moment à la gorge puis descendait aussitôt. A chaque fois que ça arrivait, on disait que les pépins allaient pousser sur notre tête. Seulement, je ne crois pas avoir rencontré un homme qui porte sur sa tête un oranger ou un quelconque arbre.
- On ne tue pas le crapaud
Le crapaud un animal que l’on n’aimait pas voir dans les parages quand on était enfant. Et une fois qu’on en apercevait un, gare à ce dernier. Tous s’acharnaient sur lui pour le lapider. Il mourrait difficilement. J’ai arrêté de m’en prendre à cette bête lorsqu’on m’a dit que le tuer faisait faire pipi au lit. Vous comprenez ? Quel enfant aimerait faire pipi au lit ? Lorsqu’on tue un crapaud, on fait pipi au lit, ma bande leur a collé la paix afin d’éviter de mouiller les draps.
- On ne siffle pas la nuit
Le sifflement est le cri d’un animal : le serpent. Cet animal au corps luisant, glissant, sans patte et qui se tortille sur son ventre pour se déplacer. Le serpent siffle et siffler la nuit ferait apparaître un serpent me disait-on. Le serpent est-il un animal nocturne ? Pourquoi n’est-il pas interdit de siffler le jour ?
- On ne prononce pas le mot « serpent » la nuit
La nuit, on se contentait de ne point prononcer le mot « serpent ». Il fallait trouver des synonymes ou discuter en langage codé. Prononcé le mot « serpent » la nuit, risque de le faire apparaître.
- On ne trace pas sur le sol la nuit
La nuit, on n’évitait de laisser des traces sur le sol : traces de doigts, de bâton. Quand on arrivait à le faire, on effaçait aussitôt la trace parce que nul ne voulait perdre son papa. Et pour cause, si une fourmi passait dans la trace, c’était la mort du père, ce qui foutait une sacrée crainte.
- On ne sourit pas quand on perd une dent
Mioches, il nous arrivait de perdre des dents. Le cycle dentaire étant conçu ainsi : on perd des dents et elles repoussent. Seulement, on nous racontait que quand on perdait une quenotte, il ne fallait pas sourire, car si un margouillat voyait le vide cette dent, c’était terminé, plus rien à vie. Mais pour que la repousse s’accélère, il fallait mettre la dent enlevée dans un bout de papier, le balancer sur un toit et faire le tour de ce bâtiment 10 fois. A cette époque, on ignorait qu’une dent ne repoussait qu’une seule fois.
- La femme enceinte ne sort pas la nuit
Une femme enceinte ne doit pas sortir la nuit et ce n’est pas pour des raisons de sécurité non, mais pour des raisons ignorées. Si elle doit sortir la nuit, il faut qu’elle noue un caillou à son pagne. Ne me demandez pas pourquoi. Je n’ai toujours pas encore compris les raisons de cette superstition.
- En pleine pluie, on ne dit pas de mensonges et on ne vole pas en pleine pluie
Qui aimerait être foudroyé ? Personne ! C’est ce que disaient les parents pour nous obliger à dire la vérité surtout en pleine pluie. Si tu ne dis pas la vérité, c’est la foudre qui te frappera.
- On ne passe pas près d’un cimetière la nuit
Si cette affirmation était fondée, je parie que PK14 ne serait jamais habité et le tronçon ne serait jamais emprunté. La nuit, si tu passes près d’un cimetière, les défunts se réveillent. Une fois réveillés, ils se mettront à se battre et tu mourras. On avait tous peur de la mort quand on était enfant donc on se contentait de rester loin des cimetières le jour comme la nuit.
Dire que ces histoires nous ont longtemps hantés. Il a fallu grandir pour mettre quelques unes en cause et se rendre compte de notre naïveté. Néanmoins, je dois admettre qu’elles sont toujours d’actualité.
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